Le Boujaron : dépositaire de l’histoire du Pays Goëlo
C’est l’histoire d’un contenant devenu contenu ! Initialement unité de mesure, le boujaron est devenu au fil des siècles l’eau de vie de cidre du Pays Goëlo… Puis le dépositaire de l’épopée maritime des terre-neuvas. Aujourd’hui Jacques et Martine Barreau perpétuent la tradition et hissent le boujaron en produit haut de gamme. Rencontre.
Qu’est-ce que le Boujaron ? Quelle est son histoire ?
Jacques Barreau : Le Boujaron est initialement une mesure d’eau de vie. Cette mesure représentait 1/16e de litre soit environ 6 centilitres. C’était la coutume d’avoir sur les bateaux de l’eau de vie à bord pour lutter contre le froid et tenir le coup. Cette tradition remonte à 400-500 ans environ et s’est surtout développée dans la pêche à la morue entre Terre Neuve et l’Islande, une pêche que l’on pratiquait ici au Pays Goëlo.
Le boujaron était une mesure indispensable à bord. Quand il y avait un anniversaire, on le fêtait au boujaron. Quand il y avait un problème grave, on consolait son chagrin par un boujaron. Quand il y avait un évènement exceptionnel, le capitaine pouvait donner double dose. Et l’on soignait même les plaies au boujaron. Certains marins échangeaient aussi le boujaron en Islande contre des vêtements en laine de mouton.
Au fil des siècles, cette unité de mesure, donc le contenant, est devenu, par assimilation, le contenu.
Est-ce un hommage que vous rendez aux gens de mer en produisant leur alcool ?
Jacques Barreau : Aujourd’hui je considère que nous tous, dans le pays de Goëlo, nous avons un devoir de mémoire et de considération vis-à-vis de ces anciens marins qui ont sacrifié leur vie. Le Boujaron est le symbole de tout ce qu’ils ont vécu. On doit honorer la mémoire de ces gens de mer. J’ai appris à faire du boujaron avec mon grand-père et je tiens à perpétuer ses valeurs qui font l’histoire du pays.
Produisez-vous strictement le même alcool que vos aïeux ou l’avez-vous adapté à la consommation actuelle ?
Jacques Barreau : On l’a quand même bien amélioré ! Ce que les armateurs mettaient sur les bateaux autrefois c’était un infâme tord-boyau, une eau-de-vie très forte, de mauvaise qualité. Aujourd’hui on fait une eau de vie saine, pure, naturelle, absolument pas agressive. On essaye de faire un produit haut de gamme, garanti sans aucun produit chimique. Notre Boujaron est élevé dans des fûts de chêne de premier choix, les mêmes que ceux utilisés pour le cognac. On propose un produit sincère.
Combien de temps faut-il pour obtenir un bon Boujaron ?
Jacques Barreau : Pour faire un bon Boujaron il faut le laisser vieillir dix ans, 120 mois exactement. On obtient un alcool à 42% sans aucun additif !
A quoi ressemble une gorgée de Boujaron ? Quelle histoire raconte-t-elle ?
Jacques Barreau : Le Boujaron a une très jolie couleur ambre. Il a un côté vanillé et caramel qui va jusqu’aux arômes de fruits. On arrive même à trouver sur des eaux de vie bien vieillies de la figue confite en fin de palais. Notre Boujaron a une belle rondeur et sa longueur en bouche rappelle tous les arômes qui se développent après la dégustation.
Quel est le meilleur moment de la journée pour consommer du Boujaron et avec quoi peut-on le marier ?
Jacques Barreau : Le Boujaron a sa place sur la table. On peut le consommer en apéritif ou en cocktail. On a des cocktails à base de Boujaron qui sont excellents et pas forcément très alcoolisés. Le cocktail « Portrieux » par exemple est un assemblage de cidre, de fruits exotiques, de Boujaron et de sirop de sucre de canne. On obtient un cocktail de 7° environ, ce qui n’est pas fort du tout !
Avez-vous élaboré des recettes à base de Boujaron ?
Jacques Barreau : Oui ! Le Boujaron se déguste notamment avec la coquille Saint-Jacques. On fait macérer les noix de Saint-Jacques au boujaron puis on les fait cuire au beurre avec un simple aller-retour. Le Boujaron se marie très bien avec des recettes de produits de la mer . Mais ce qui est une hérésie est de le faire flamber : c’est dommage d’avoir une eau de vie de qualité et de la faire flamber car on détruit alors tous les arômes !
Les visiteurs sont les bienvenus sur votre verger. Vous leur donnez beaucoup en partageant votre histoire et les valeurs de votre travail. Que vous apportent ces rencontres ?
Jacques Barreau : Ces rencontres avec les visiteurs permettent de faire connaître l’histoire du pays Goëlo. Car si petit soit ce pays entre Bréhat et Saint-Brieuc, il a quand même une très longue histoire maritime, une épopée que les gens ne soupçonnent pas. Nous faisons découvrir à nos visiteurs nos vergers, les conditions bioclimatiques de production, le travail artisanal et toute cette histoire maritime qui remonte quand même à la Compagnie des Indes. Le Boujaron est aujourd’hui le dépositaire, le symbole de cette histoire.
L‘abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération.
@loursenplus.fr